Ici et ailleurs

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Asraf, voyage hors du temps

Le temps retrouvé...

Nous avons donc quitté les chercheurs d'or en fin d'après-midi pour, à notre tour, chercher le village où nous étions attendus. Le ciel était toujours maussade, nous savions qu'à 6 heures il ferait nuit...La route continuait à travers le désert, longeant une chaîne de montagnes relativement importante : les monts Nurata. De temps à autre apparaissait une ferme entourée de quelques arbres, seule au milieu de l'étendue désertique. Un berger parfois semblait hanter le paysage, menant son troupeau de moutons sur son âne (mais que pouvaient diable manger les moutons?). Régulièrement des chemins partaient sur la droite, vers la montagne et l'on devinait qu'ils menaient à des villages dans des vallées dessinant un trait d'or dans le soleil couchant.

Après avoir demandé à plusieurs reprises notre chemin nous avons enfin vu la pancarte "Asraf", avec soulagement il faut bien le dire. Le soulagement fut de courte durée car très rapidement la route devint chemin à peine carossable serpentant au flanc de la montagne. Nous ne voyions aucune trace d'habitations. Pourtant Asraf avait été indiqué à 3km...Nous étions perplexe, il faisait presque nuit lorsque sous nos yeux un peu étonnés apparut un fanion portant l'inscription "Asraf Guesthouse"! Nous étions arrivés au bout de nulle part, c'est à dire, en descendant un peu dans le fond de la vallée, nous nous retrouvâmes au coeur d'un îlot de verdure, avec une ou deux constructions en terre, un âne, des poules, des moutons, et un homme qui semblait nous attendre.

 J'avoue avoir eu un moment d'incompréhension, persuadée que nous nous étions fouvoyés. Mais nous étions bien arrivés...et il n'y avait vraiment pas de touriste! Le petit moment d'inquiétude passé nous avons été envahis par la profonde sérénité du lieu. Dans un énorme noyer devant la maison des milliers d'oiseaux célébraient la fin du jour. L'atmosphère était étrange. Nos hôtes nous montrèrent avec fierté le coin "toilette", rustique mais qui sentait bon le romarin et le génévrier, un ruisseau coulait sur lequel était installé un de ces grands "lits" utilisés par les habitants à la saison chaude, il fallait monter un petit sentier pour arriver à la maison proprement dite.

Le coin toilette

Deux pièces nous étaient réservées, une qui allait nous servir de chambre, l'autre de "salle à manger". Pas un bruit, nous savions que nous étions loin de tout, pas de téléphone (il fallait monter un peu dans la montagne pour avoir le signal), nous étions à la fois ravis, inquiets, perplexes. Nous avions aussi l'impression de "rajeunir" de 25 ans car nous avions vécu une situation un peu semblable lorsque nous nous étions perdus en pays kurde et avions été "recueillis" par des habitants. Le mode de vie était le même : des tapis sur le sol, des matelas installés le soir pour dormir, une table basse pour manger et des coussins pour s'appuyer.

Nous eûmes le pressentiment que nous allions être traités comme des rois et vivre des moments extraordinaires hors du temps, nous ne nous sommes pas trompés...Le soir même nous dégustions une soupe. Noix et grenades pour le dessert. Tous les ingrédients bien sûr étaient locaux.

Nous allions découvrir ce mode de vie le lendemain. Nous avons dormi d'un sommeil profond, le braiement de l'âne suivi du pépiement des oiseaux qui à nouveau avaient envahi le noyer vinrent nous réveiller...

Lorsque nous avons émergé de la chambre notre premier soucis fut de faire un peu mieux connaissance avec notre environnement immédiat. Nous étions donc au fond d'une petite vallée qu'illuminait l'or des peupliers et des noyers.

La maison était très simple extérieurement. Tout autour "l'utile" était installé : la bergerie en contrebas avec ses rouleaux de crottins séchés prêts à servir, la cuisine à une dizaine de mètres de la maison avec ses trois foyers alimentés par du bois (hé oui pas de gaz et pas de plaque à induction), le four à pain bien sûr et un autre petit fourneau de terre cuite à ras le sol, alimenté en bois également et réservé à l'eau du thé.

Déjà les femmes étaient au travail, cassant le bois en menus morceaux pour le feu, commençant la préparation d'un "plov" pour midi qui allait se révéler délicieux (mélange de riz, de carottes, de raisins de corinthe et de quelques morceaux de viande de mouton).

Dans la maison vivaient le grand-père, la grand-mère, un fils, sa soeur et sa femme, leur bébé . L'essentiel du travail était assuré par la belle-fille, de nouveau enceinte de 7mois.

L'atmosphère était d'une tranquillité et d'une douceur étrange, masquant ce qui était sans doute de rudes conditions de vie. La règle d'or cependant était l'autosuffisance et l'utilisation de toutes les ressources possibles. Pas de restes, pas de déchets, il y a bien longtemps qu'ici on pratiquait le recyclage! Ajouter un soucis de propreté extraordinaire, bien des fermes dans nos campagnes pourraient l'envier! Pas de barbelés, pas de ferraille, le bois présent sous toutes ses formes, les épines sur les murets, une économie de vie quotidienne basée sur les ressources de la nature. Le frère de notre hôte parlait un petit peu anglais (il avait fait un stage de 50 jours pour ouvrir cette guesthouse qui depuis deux ans avait reçu une cinquantaine de touristes. Nous étions les premiers depuis début septembre et sans doute les derniers de la saison).

Avec lui nous avons fait le tour d'Asraf : une dizaine de maisons dispersées sur les flancs de la montagne, organisées de la même manière que celle qui nous recevait.

Nous avons vu ainsi comment on recouvrait de pisé les murs d'une maison en construction, nous avons rencontré 3 petits bergers qui se chauffaient autour d'un feu, car il continuait à faire froid! Nous avons dégusté littéralement cette promenade d'un autre âge dans un autre monde.

A notre retour la belle-fille de la maison s'apprêtait à préparer la pâte pour une nouvelle fournée de pains. Elle m'invita à pénétrer chez elle. Le bébé dormait dans son berceau recouvert d'une couverture.

Pour la première fois de ma vie je brassai la pâte à pain et découvrais la difficulté à soulever cette dernière lorqu'elle prend forme. Pour moi c'était un "jeu" de touriste mais pour Philousa c'était une tâche qui revenait bien régulièrement et son ventre arrondi ne l'en dispensait pas!

Après la dégustation du "plov" à midi j'attendis la cuisson. Il fallut d'abord façonner la pâte en galette. Le four avait été rempli de crottin de mouton sec. Quelques morceaux de bois en dessous y mirent le feu qui prit vite des allures d'enfer.

Lorsque tout fut brûlé les parois étaient chaudes, il ne "restait" plus qu'à coller les galettes à l'intérieur et à attendre qu'elles cuisent.

Nous avions pensé que la journée nous paraîtrait peut-être longue...la nuit nous a presque surpris. Elle fut tout aussi calme que la précédente. Il nous fallait partir pour Samarcande mais le fils de la maison nous avait proposé de faire un détour par l'école avant. Une petite école toute blanche.

Cinq élèves de 6 à 9 ans...un autre monde encore. Les plus âgés partaient à dos d'âne à l'école du village voisin , plus important (une heure de trajet). Un des enfants nous a récité un "compliment" à voix haute et claire, nous n'avions plus envie de partir...

Pourtant 3 heures plus tard nous étions à Samarcande, le bruit reprenait sa place, la parenthèse était fermée, à notre grand regret.



25/10/2011
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