Ici et ailleurs

Jeudi 7 juin

Nous pensions que la journée serait prometteuse...elle le fut au delà de nos espérances...

Déjà la rencontre avec notre véhicule ne manqua pas de piquer notre curiosité :

C'était un 4x4 de l'armée soviétique, âgée de 48 ans, et qui normalement était en son temps réservé aux gradés. 

Manifestement il avait vécu mais le propriétaire avait changé quelques petites choses en y adaptant par exemple à l'intérieur des sièges de...mercédès! Pas un soupçon d'électronique et des suspensions qui allaient se révéler totalement inopérantes.

Prêts à partir...

Le chauffeur avait pris soin d'emporter un grand jerrican d'eau, en cas de surchauffe du moteur.

Qu'à cela ne tienne, le véhicule devait nous emmener jusqu'à plus de 2500m et il y arriva sur des chemins improbables, dignes d'un Paris-Dakkar de bon niveau...

Un  petit film composé de différents passages vous permettra d'imaginer "l'ambiance"

En 4x4 vers le Haut Karabagh...

En même temps nous avons eu quelques explications sur l'état  de l'Arménie : bâtiments à l'abandon,  structures industrielles en ruines, maisons inachevées , routes délabrées etc.

Du temps de l'ère soviétique ce sont ces derniers qui faisaient marcher le pays.  

Lorsque le mur est tombé en 1989 tous les biens de l'état ont été mis en vente sous forme de coupons que beaucoup se sont empressés d'acheter pour les revendre avec un bénéfice substantiel à d'autres qui, eux, ont démantelés usines, sovkhozes,  etc pour tout vendre en pièces détachées sans se soucier de l'avenir. L'Arménie s'est donc retrouvée du jour au lendemain totalement dépouillée avec aucune possibilité de se redresser car d'une part l'Union Soviétique s'effondrant avait autre chose à  faire, d'autre part les quelques financements arrivant de l'étranger partaient directement dans les poches des membres bien placés qui n'ont rien fait pour entretenir le pays. La corruption, déjà importante avant, a pris une échelle encore plus grande.

Pour les maisons abandonnées à  moitié construites, c'est là aussi parce qu'avant chacun arrivait à récupérer le nécessaire par des échanges  de "bons procédés"

A la chute du mur tout fut privatisé et ces "échanges " ne furent plus possibles, sauf une fois de plus pour les mieux placés .

Un cas particulier encore plus triste:

Autrefois les alpages étaient couverts de fermes et de villages occupés par des azéris ( importés par Staline d'Azerbaïdjan ). Pendant ce temps de l'autre côté de la frontière vivaient près de 450000 arméniens.  A la chute du mur ces derniers commencèrent à être massacrés et, abandonnant tout, fuirent en Arménie. Les azéris présents prirent peur de leur côté et repartirent en Azerbaïdjan avec tout de fois une petite différence, les russes leur laissant le temps de vendre leurs biens et les reconduisant en toute sécurité à la frontière: moralité fermes et villages furent abandonnés ou très peu repris car les arméniens préférèrent partir travailler en Russie ou ailleurs...c'est donc toute une économie à l'abandon qui subsiste depuis bientôt 28 ans.

Ancienne ferme abandonnée depuis 1993

Bon cela ne gâcha pas notre montée, laquelle, une fois de plus, nous amena à travers des paysages somptueux et une fois de plus nous avons littéralement roulé au milieu des fleurs. Nous n'insisterons jamais assez sur ce qui pour nous est un phénomène extraordinaire : ces millions de fleurs et ces chants d'oiseaux, partout. Une campagne préservée que nous redécouvrons et qui a totalement disparu chez nous! C'est magique.

Rouler à travers les fleurs...

Les rencontres furent encore d'une grande richesse d'autant que pour une fois nous avions un traducteur...

Notre chauffeur s'arrêtant à la demande nous avons pu ainsi parcourir un "village" d'alpage et les rencontres furent émouvantes, le plus dur fut d'arriver à ne pas prendre un café dans chaque maison. Ne vous laissez pas tromper par les apparences, la propreté règne sur les lieux et on les parcourt sans a priori.

Un village d'alpage

Visitez le village!

Malheureusement  nous n'avons pu aller jusqu'au lac prévu car le chemin était devenu trop impraticable et  la pluie menaçait,  faisant craindre au chauffeur une dégradation supplémentaire ..

Nous nous sommes arrêtés près des sommets sans oser les franchir...

C'est d'ailleurs sous quelques gouttes que nous avons pique-niqué avant de redescendre vers la "civilisation", goûtant au passage une vue superbe sur le lac Sevan.

Un barbecue préparé par notre hôte nous attendait. Nous avons diné "en famille". Ce fut encore l'occasion de connaître d'autres traits de la vie en Arménie : par exemple nous ignorions que les garçons devaient encore faire 2 ans de service militaire, de 18 à 20 ans obligatoirement, car l'Arménie se considère toujours en guerre avec l'Azerbaïdjan. Ils ne peuvent quitter le pays tant qu'ils n'ont pas obtenu un document le prouvant.

La guerre d'ailleurs, en 1993, fut vécue de façon terrible et notre hôtesse nous expliqua combien cette année-là fut difficile, combien ils eurent faim, ils eurent froid!

Nous avons appris également que même maintenant de nombreux mariages étaient encore "arrangés" par les parents...

Une journée fertile donc en émotions et en enrichissement de connaissances!